Un arc en ciel à double halo accueille les matinaux dominicaux, trait d’union entre l’abscons et le vulgaire, passerelle entre le divin et l’humain, où la légende nous dit qu’un trésor est enfoui à ses pieds, où le biblique nous rappelle l’omnipotence embrassant nos faiblesses.
Pour les régatiers, éternels rivaux surfactant d’une amitié certaine, cet islandais offre de nouvelles saveurs. Nous serons 5 voiliers à quitter le port pour défendre les couleurs de nos compagnons mobiles sur l’élément mobile, glissant dans un Beaufort 5 qu’un courroux éolien, par de sottes humeurs, partira en « coup de vent »
Cette régate nous emmène sur l’océan, solvant de nos âmes, laissant à terre les vivants et les morts pour prendre auprès de lui les Hommes qui vont sur la mer, ces marins à l’âme soufrée, amère ou doucereusement sucrée que le sel matriciel vient parfois tempérer, cet additif organoleptique qui trempe nos esprits par l’affûtage des corps.
- Mistho est au rendez vous, jeunesse et insouciance en cortège, devancent ce couple magnifique que forment Pauline et Ferréol ;
- Colbart est présent, embarquant Jean Pierre et Jean Louis, héros de la transquadra sur "La Belle Equipe", marins au regard profond brillant d’une éternelle jeunesse ;
- White Pearl, l’incontournable, emmenant Alain, Jean Georges, Stéphane et Marc, les CV les plus remarquables de la régate et de la plaisance ;
- Atlantis meris, un nouveau venu dans la course en eaux boulonnaises, 1ère régate islandaise pour son skipper Christian, accompagné du géantissime Pierre Jean, rabelaisien dans la lecture de l’âme, tabarlyen en mode naval ;
- Douce Folie 2, cosmopolite pour l’événement, et à son bord Christian et l’héroïsme triomphant, Yann et l’expérience à bras le corps, Reinier et l’enthousiasme du débutant, Pierre et son abnégation au service du voilier.
Les navires quittent le port pour rejoindre la ligne de départ. 20 nœuds de vent établis, soufflant Est, Sud Est, les eaux de la rade à peine ridées, sinusoïdes de faibles amplitudes qui ne laissent deviner le futur de la course.
Les ronds dans l’eau laissent le temps d’armer chaque bateau, tandis que le beffroi dressé vers le ciel comme un phallus improbable bascule les dards de son horloge marquant 10h !
Les fauves sont lâchés. A l’exception d’Atlantis et de Douce Folie 2, tous les voiliers ont pris un ris pour mener le bord vers la bouée « Atterrissage ». A 130° du vent, tandis que tous sont sous génois, le skipper de DF2 décide de lancer le spi. Le temps s’arrête, les équipiers s’observent… Un miracle ou la dure loi de la physique aérodynamique ? Qu’importe, si ça passe, nous rentrons dans l’Histoire, si ça casse… on se remettra dans la course !
Yann glisse sur le pont avec la légèreté d’un danseur étoile. Le tangon est positionné, balancine et hale-bas équilibrés, le bras au taquet… et on envoie !! ….. hissé à mi hauteur, le vent s’engouffre dans le spinnaker, l’écoute claque et dans l’atmosphère, le mousqueton s’ouvre et la voile se met à danser au gré des risées. Nous n’avons plus qu’à affaler, et de génois et de GV à optimiser. Il va falloir être audacieux pour remonter la flotte qui déjà pointe vers le 1er check point.
Devant nous, la valse incessante des 4 destriers navals qui nous précèdent, semble marquer 3 temps.
Mistho qui se présente le 1er à Atté, doit soudain se battre contre un souffle déchaîné. L’anémomètre s’affole au passage de la bouée, 35 nœuds virevoltant lèvent les embruns qui micellent sur les épidermes et malgré l’expérience de l’équipage, les mouvements aléatoires combinés du courant et du vent emmènent dangereusement le voilier sur la cardinale. Evitant une fortune de mer grâce à sa vitesse d’exécution, Ferréol lance un coup de moteur salvateur, permettant à Mistho de s’éloigner de la bouée scélérate grâce à la tenue ferme de Pauline à la barre. Le danger écarté, le couple mythique se remet en course après avoir perdu de précieuses minutes. Pour les autres équipages, le scénario dramatique évité, est également la prise de conscience des conditions dantesques qui nous attendent sur les prochains bords.
Déjà sur White Pearl, on s’inquiète. Ce ne sont pas les hommes qui déméritent, mais le génois sur enrouleur qui inquiète son skipper. Pour Alain, inutile de casser, et mieux vaut perdre quelques points que de s’abîmer. D’un commun accord entre équipiers, le voilier fait volte face de la bouée Ophélie pour rentrer au port et se sécuriser.
Quant aux autres, roulant, tanguant, flirtant avec l’écume des crêtes, plongeant derrière la vague pour mieux aborder la suivante, le bord de près vers Ophélie ressemble à un passage vers l’enfer. Le spectre chromatique ne révèle que ses plus froides couleurs et sans la joie de nous voir fondre sur les voiliers de tête, nous pourrions nous dissoudre et juste disparaître.
Encore un virement et Ophélie est doublée. Nous sommes derrière Mistho et Colbart, mais surtout pas accablés, d’autant qu’un rai solaire vient darder cette plaine mouvante et sous l’effet des surfs, Douce Folie 2 se reprend. Quelques pointes à plus de 8 nœuds et le bord qui nous ramène vers Atté se veut audacieux. Quand Atté est doublée, nous sommes plus que jamais dans la course.
Un dernier bord nous ramène vers la ligne d’arrivée. On sent la protection des digues, car le courant s’éteint à leur passage et le vent plus clément chante moins dans les voiles, mais toujours suffisant, pour danser sur la vague.
Mistho a déjà franchi la ligne d’arrivée, Douce Folie 2 le talonne de près. Un peu plus loin, Colbart a su se défaire d’une avarie et quant à Atlantis, dont se fut la première régate, il n’a pas démérité en accomplissant le parcours en entier.
Il ne nous reste plus qu’à rejoindre le port, ranger la garde robe, dire bonsoir aux bateaux et c’est au club house que les résultats furent donnés, entre de grands sourires, des yeux bien éveillés, des images plein la tête et des envies de revenir.
N'hésitez pas à venir régater, vous découvrirez panache et amitié !
Et pour le plaisir des yeux, la vidéo de la régate, c'est ici.